L’Azerbaïdjan reprend le district de Kelbadjar, voisin du Haut-Karabakh, la deuxième des trois rétrocessions
Cette rétrocession, qui avait été reportée pour des raisons humanitaires, survient dans le cadre de l’accord de fin des hostilités signé au début de novembre par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie.
Les unités de l’armée azerbaïdjanaise ont récupéré, dans la nuit de mardi 24 à mercredi 25 novembre, le contrôle du district de Kelbadjar, avoisinant le Haut-Karabakh, a affirmé le ministère de la défense à Bakou dans un communiqué. C’est la deuxième des trois rétrocessions auxquelles l’Arménie doit procéder après le cessez-le-feu ayant mis fin à six semaines de combats meurtriers dans cette région disputée.
Situé entre la république autoproclamée du Haut-Karabakh et l’Arménie, Kelbadjar aurait dû être rétrocédé le 15 novembre, mais Bakou avait reporté l’événement, évoquant des raisons humanitaires.
« Les travaux de génie ont été achevés pour assurer le déplacement de nos unités » et « les difficiles routes de montagne le long de l’itinéraire des troupes sont déminées et préparées pour être utilisées », a précisé le ministère de la défense.
En signant le cessez-le-feu, Erevan a accepté de rendre trois districts entourant le Haut-Karabakh – Agdam, Kelbadjar et Latchine – qui échappaient au contrôle de Bakou depuis près de trente ans et une première guerre dans les années 1990. Le district de Kelbadjar, comme celui d’Agdam rendu le 20 novembre et celui de Latchine, qui doit l’être le 1er décembre, formaient jusqu’alors une zone tampon entourant le Haut-Karabakh. Quatre autres districts formant ce glacis sécuritaire ont, eux, été repris militairement par Bakou.
Un exode, des maisons brûlées, des arbres abattues
Dans les jours précédant la rétrocession, l’Agence France-Presse (AFP) a vu les habitants arméniens abattre des arbres, récupérer les câbles électriques et même charger sur un camion des parties d’un barrage hydroélectrique. « Ils brûlent [les maisons], les arbres sont abattus et les gens emportent tout », a déclaré à l’AFP un maçon de 53 ans, Gaguik Iakchibekian, expliquant que les Arméniens refusaient que des Azerbaïdjanais puissent habiter leurs maisons.
A Dadivank, une ville du district de Kelbadjar, l’ingénieur Grigory Grigorian disait regretter de quitter la maison dans laquelle il vivait depuis vingt-cinq ans, l’endroit où ses « enfants ont grandi et sont allés à l’école ».
A la fin de la première guerre pour le contrôle du Haut-Karabakh, en 1994, l’exode inverse s’était produit, la population azerbaïdjanaise fuyant alors ces régions repeuplées ensuite par des Arméniens.
Des habitants ayant fui en Arménie pendant les récents combats ont en revanche commencé à revenir dans le Haut-Karabakh. Selon Moscou, 13 000 réfugiés ont été aidés pour leur réinstallation.
L’accord de fin des hostilités, signé alors que la situation militaire était catastrophique pour l’Arménie, consacre la victoire de l’Azerbaïdjan et lui accorde d’importants gains territoriaux après six semaines d’un conflit ayant fait plusieurs milliers de victimes. Il permet néanmoins la survie du Haut-Karabakh, amputé d’une partie de son territoire, 2 000 soldats russes de maintien de la paix étant déployés pour garantir le cessez-le-feu.
Le premier ministre arménien contesté
Signé sous l’égide du Kremlin, le cessez-le-feu a rappelé le rôle déterminant de la Russie dans son pré carré caucasien, mais aussi l’influence grandissante de la Turquie, soutien sans faille de Bakou.
A l’inverse, les pays occidentaux semblent en perte de vitesse et ni la France ni les Etats-Unis, médiateurs en tant que membres du groupe de Minsk chargé dans les années 1990 de trouver une issue durable à la crise, n’ont obtenu de résultats probants.
La semaine dernière, la France a toutefois appelé la Russie à lever les « ambiguïtés » entourant le cessez-le-feu, notamment sur le rôle de la Turquie, Paris s’inquiétant qu’Ankara puisse être associée aux opérations de maintien de la paix.
Depuis la fin des combats, le premier ministre arménien est, lui, contesté par une partie de l’opposition arménienne, qui a encore réuni plusieurs milliers de manifestants samedi à Erevan. Une délégation russe conduite par le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est rendue dans la capitale arménienne le même jour pour une visite, qu’il a décrite comme un signal de « soutien » aux autorités locales.